Noël 2025 : Le cri prophétique du Rév. Père Kesner Gracia pour la dignité humaine et la souveraineté des peuples
Frères et sœurs bien-aimés, Peuple de Dieu,
En ce jour très saint de Noël, l’Église universelle proclame une nouvelle qui traverse les siècles, les cultures et les frontières.
« Aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le seigneur » (Lc 2,11).
La Noël que nous célébrons chaque année n’est pas un simple souvenir du passé. Mais, une intervention de Dieu dans l’histoire humaine. C’est Dieu qui descend dans notre monde blessé pour le sauver.
Dieu choisit un village oublié : Bethléem, une famille pauvre, une mangeoire, des bergers marginalisés pour s’identifier à nous. Noël, c’est Dieu qui prend parti pour les petits. C’est Dieu qui ne reste pas spectateur des souffrances humaines, mais qui s’implique, qui s’engage, qui partage notre condition. C’est Emmanuel : Dieu avec nous, au milieu de nous. Un Dieu qui manifeste sa gloire dans l’humilité pour inonder nos cœurs et ce monde, de joie et de paix.
C’est ce message que l’ange annonce aux enfants de la terre :« Je vous annonce une bonne nouvelle qui sera pour tout le monde, le sujet d’une grande joie » (Lc 2,10).
Ce message n’est réservé : ni à une nation, ni à une culture, ni à une religion dominante. Mais à toutes les nations de la terre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » (Lc 2,14).
PAIX AVEC DIEU. PAIX ENTRE LES PEUPLES. PAIX DANS LES CŒURS.
Voilà la réponse de Dieu à la guerre, la haine, le racisme, la domination, l’exclusion, la pauvreté et l’indifférence. Ce message encore s’adresse : aux grands décideurs du monde, aux riches, aux pauvres, aux nations puissantes, aux forts et aux faibles que l’incarnation a pour mission de rappeler à tous qu’en Christ, il n’existe qu’une seule nationalité : L’HUMANITÉ. La création n’a qu’un seul Maître : Dieu le Créateur. Les différentes couleurs et races humaines ont été voulues par Lui comme un décor esthétique destiné à embellir et enrichir sa création.
En ce sens, Noël condamne toute idéologie qui nie la dignité humaine et dénonce toute politique économique ou raciale qui écrase les pauvres.
Notre monde aujourd’hui est profondément bouleversé par des guerres interminables, divisions politiques et ethniques, racisme systémique, migrations forcées, discriminations, pauvreté extrême, exploitation des plus faibles. La politique internationale avec les puissances mondiales ne fait que valoriser, appliquer la formule de la fable de La Fontaine : « La Raison du plus fort est toujours la meilleure ». Ce qui veut dire que les forts triomphent des faibles injustement.
Fort de cela, l’inquiétude que suscite la présence des forces militaires américaines au large du Venezuela, dans la mer des Caraïbes, ne constitue-t-elle pas un indicateur sérieux des tensions géopolitiques actuelles et des rapports de force persistants dans la région ? L’ingérence étrangère répétée en Haïti, ainsi que dans de nombreux pays pauvres, n’en offre-t-elle pas une illustration encore plus manifeste, révélant les limites du respect effectif de la souveraineté, de la dignité des peuples et du droit des nations à disposer d’elles-mêmes ?
Dans un monde où s’accélère le dérèglement des valeurs éthiques et ethniques, célébrer Noël ne consiste pas d’abord à parler de cadeaux ou dons aux pays pauvres pendant que leurs enfants migrants partout sont traités avec dédain.
La fête de Noël doit rappeler que nous sommes tous enfants de Dieu, citoyens de la cité et ayant tous droit aux richesses de la création. Nous devons apprendre : que la vie est sacrée, que chaque être humain a une valeur inestimable, que chaque peuple a du prix aux yeux de Dieu.
Cessez les crimes de guerre, la distribution des armes et de munitions qui alimentent le chaos, la destruction massive, l’insécurité dans les nations pour s’approprier de leurs richesses naturelles. Car Ici-bas, tout appartient à Dieu, et nous y sommes tous des migrés passagers. Notre vie est comme un nuage, une vapeur, une ombre qui ne dure qu’un instant.
Haïti est aujourd’hui regardée comme un fardeau, et non comme une nation digne en raison d’une insécurité structurelle, parfois même programmée, marquée par des kidnappings récurrents, des vies humaines sacrifiées, des territoires perdus, des familles chassées, une jeunesse traquée, et une dignité nationale systématiquement piétinée.
Ce qui se passe en Haïti est le résultat de choix politiques, de complicités internes et d’une indifférence internationale profondément regrettable et moralement problematique.
Peuple Haïtien,
Notre pays n’est pas seulement en crise. Il est en train d’être déshumanisé sous le regard du monde entier. Arrêtons d’attendre un « sauveur étranger ».
Personne ne viendra sauver Haïti à la place des Haïtiens.
Il nous faut sortir de l’illusion, de l’attentisme et du fatalisme. Réveillons-nous et mettons-nous ensemble pour éradiquer ce virus mortel qui nous ronge depuis des siècles et rapatrier notre souveraineté, notre dignité de peuple noir, première nation libre et indépendante sur la planète Terre.
À ceux-là qui sont déplacés, réfugiés, sans logis, humiliés, rejetés par leur propre pays, Noël vous dit : Dieu est passé par là avant vous. Jésus est né hors de chez lui, sans toit, rejeté, vulnérable, sans sécurité, sans protection.
Vous n’êtes pas invisibles aux yeux de Dieu. Dieu vous dit : Il voit tes peines et tes larmes, Il t’entend et Il te comprend. Ne t’inquiète pas, Je te ferai justice.
Face à cette réalité, l’Église ne peut ni se taire ni fuir, ni spiritualiser la souffrance du peuple. L’Église joue un rôle prophétique. Elle ne peut plus se contenter de prières sans courage ni de neutralité face à l’injustice. Quand l’Église se tait face au sang, elle trahit sa mission.
Noël, c’est un appel à la vérité, à l’unité, au courage, au sacrifice pour le bien commun. Notre plus grand danger n’est pas seulement les hommes armés, mais la normalisation du mal et la passivité collective. La souveraineté perdue commence par une conscience endormie.
Nous en profitons, nan nom Bondye Granmèt la, pour dire aux dirigeants politiques, économiques et intellectuels d’Haïti que le temps des discours est terminé. Le sang du peuple innocent crie contre vous et l’histoire jugera sévèrement ceux qui ont préféré leurs intérêts au salut national. Il est temps de servir et d’assumer avec courage la responsabilité qui vous incombe comme un service et non comme un privilège.
Aux nations et institutions internationales : on ne peut pas défendre les droits humains à géométrie variable. Haïti ne demande pas la charité. Haïti exige le respect de sa dignité, de sa liberté et le droit à la sécurité.
Frères et sœurs Bien aimés,
Le même Jésus né à Bethléem se donne aujourd’hui dans l’Eucharistie.
À Noël, le verbe s’est fait chair. À l’Eucharistie, Dieu se fait nourriture. Recevoir l’Eucharistie, c’est accepter d’être transformé pour transformer le monde. On ne peut pas communier au Christ et mépriser son frère, fermer les yeux sur l’injustice, rester indifférent à la souffrance humaine.
Que cette naissance divine réveille nos consciences, guérisse nos blessures, inspire nos choix et transforme nos sociétés.
Que le Christ de Noël fasse de nous des artisans qui œuvrent en vue d’un monde de paix, économiquement juste, humainement équitable où la vie de tous soit dignement et incontestablement valorisée et respectée pour témoigner notre reconnaissance à l’amour de Dieu dans nos vies, car aujourd’hui encore, le Sauveur nous est né pour nous apporter la Paix.
À vous, frères et sœurs haïtiens et du monde entier, victimes de guerres insensées, exploités, appauvris, souffrants et souvent méprisés, je dis : demeurez forts et courageux.
Dans l’espérance qui nous est donnée par le Christ, et dans l’attente de goûter, dans la joie, aux délices des Béatitudes qu’Il nous a promises, je vous souhaite à tous un très Joyeux Noël 2025, ainsi qu’une Bonne et Heureuse Année 2026, dans la paix, la joie, la justice et la fraternité.
Amen !
Rév. Père Kesner Gracia Prêtre de l’Église Épiscopale d’Haïti
Citoyen et chrétien engagé